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LES MARINS DE LA RIVIERE CLAIRE

OPÉRATION :LEA

 

Avec l’arrivée en avril du haut commissaire Bollaert et le discours qu’il prononce à Hadong le 10 septembre, l’année 1947 annonce les ouvertures à- venir .Encore faut-il que la situation sur le terrain soit améliorée.

Les opérations de l’automne 1947 au Tonkin (nom de code LEA) ont pour but de détruire le bastion Viet-Minh –forces principales et gouvernement rebelle- que l’on savait installé dans le triangle Chiem Hoa ,Thaï Nguyen, Cao Bang ,en les prenant en tenaille entre la Rivière Claire et la frontière chinoise.

 

La branche gauche de la tenaille est l’affaire du groupement C ,sous les ordres du Lt-colonel Communal.A partir d’une base avancée qu’il faut établir à Tuyen Quang sur la rivière claire ,un des grands affluents du Fleuve Rouge ,trois bataillons légers doivent laisser des points d’appui à Bac Nhung sur la rivière claire et à Chiem Hoa sur le Song Cam en progressant par les pistes ou par des cours d’eau difficilement praticables ; puis faire la jonction avec les parachutistes largués dans les montagnes de la Haute-Région. La mise en place de ce dispositif et son soutien incombent à la Marine qui doit engager la majeure partie des forces fluviales du Tonkin en dépit de ses responsabilités dans le delta.

Ayant succédé a la 1ere flottille fluviale de fusillers-marins,la 1ere Flottille Amphibie ou Flottille Amphibie Nord comprend des bâtiments et engins de débarquement ,grands chalands LCI et LCT,petits chalands LCM ,LCVP,LCSM ,LCA,ainsi qu’une forte compagnie de commandos ,la compagnie Jaubert .Si la flottille est amphibie c’est parce qu’elle  opère avec l’armée de terre et que tous ses bateaux sont fait pour s’échouer  le nez à la berge ,aucun des engins ayant la capacité de progresser sur terre n’est amphibie .Les matériels sont américains ,landing crafts conçus pour le débarquements des forces durant la 2eme guerre mondiale ; d’un tirant d’eau trop élevé ,ils sont mal adaptés à la navigation sur des rivières boueuses ,charriant des masses de débris végétaux .Officiers et équipages portent la tenue kaki des fusiliers-marins frappée des deux ancres rouges croisées et la casquette ou le bonnet bleu .

Rassemblés à Hanoï le 3 octobre, les forces prévues pour LEA groupent 6 grands et 14 petits chalands. Les grands sont venus par la mer avec le difficile franchissement du Cua Ba Lat à l’entrée du Fleuve Rouge, les petits par le Canal des Rapides où un second maître a été tué d’un coup de bazooka. Pour la phase initiale, on a constitué 3 Divisions Navales d’Assaut (Dinassaut).Il s’agit d’acheminer sur Tuyen Quang, en trois rotations, 3 bataillons d’infanterie, 7 canons, une trentaine de véhicules et blindés légers, 200 mulets, 2 antennes chirurgicales, munitions et vivres pour 70 jours, soit 2300 hommes et 2500 tonnes de matériel.

Les parachutistes sont largués sur la Haute Région le 07. Hélas, la crue du Fleuve Rouge empêche le passage, sous le pont Doumer, des grands bâtiments dont le tirant d’air est de sept mètres .Ce n’est que le 09 à dix sept heures que le convoi des 3 Dinassaut peut quitter Hanoï en présence du Haut Commissaire ;commandé par le CF Le Gouas, il s’étire sur prés de 04 kilomètres .Le courant rapide, les bancs de sable et le manque de visibilité l’obligent à mouiller pour la nuit .Le dix , un grave échouage d’un LCT va retarder de 02 jours la marche de la 5eme Dinnassaut qui porte les éléments de réserve .Au soir, le gros du convoi embouque la Rivière Claire. Sa lente progression n’est ponctuée que de 06 coups de 75 tirés depuis Phu Doan sans mal et d’une attaque nocturne de nageurs de combat, tués avant d’avoir pu approcher leurs brûlots .Le 13, conformément aux plans, la 3eme Dinassaut débarque, dans un coude de la rivière à 10 kilomètres de Tuyen Quang, le bataillon Petit qui ne rencontre qu’une faible opposition et occupe les ruines de la ville.

Le cours de la Rivière Claire est d’une prodigieuse beauté :montagnes et rochers couverts d’une abondante végétation enserrant de rares plages de sable .Mais partout la menace rode .Le commando Vitaud subit des pertes sérieuses .Arrivés à Tuyen Quang, les grands chalands sont aussitôt déchargés .L’articulation des forces est modifiée :les petits engins, seuls à pouvoir opérer en amont, sont regroupés ; les grands chalands de la 3eme Dinassaut sont répartis entre les deux autres .La 1ere Dinassaut part le 15 pour Hanoï ou elle subit plusieurs attaques au canon ou à l’arme automatique,  après avoir détruit un dépôt de munitions, elle sera à Hanoï le 19.

L’ennemi s’organise sur la Rivière Claire et de part et d’autre de Phu Doan .Il faut néanmoins compléter les approvisionnements de la base avancée de Tuyen Quang .Le 17, la 1ere Dinassaut, dont les deux LCT sont lourdement chargés, quitte Hanoï .Elle laisse son LCI au Km 78 en raison de la baisse des eaux et subit, alors qu’elle n’a pas de petit chaland pour mettre des troupes à terre, le 18 à Khoan Bo un accrochage qui lui cause 5 morts(dont le PM Clouteau de la compagnie Jaubert, qu’il faudra enterrer à la tombée de la nuit) et 6 blessés graves(dont 3 marins) .Elle est à Tuyen Quang le 19 et à Hanoï le 21 .

La 1ere Dinassaut(2 LCT et 1 LCM) repart le 22 avec le 3eme échelon du groupement C (véhicules et une compagnie muletière) et une escorte composée du 1er RCP .Les eaux de la Rivière Claire ayant encore baissée, la mission consiste à débarquer troupes et mulets à Phu Doan (Km 124) ou la Dinassaut a rendez-vous avec un groupe de petits chalands qui doit descendre de Tuyen Quang, lui confier des blessés et remonter avec les véhicules et les matériels .Deux embuscades meurtrières vont faire échouer ce plan .

Voici le récit de la première d’après le rapport du CC Landrot .Le 23 à 14 heures, les LCT 1329 et 1139 (celui ci porte un canon de 40 sur camion) en ligne de file de 300 mètres ,arrivent en vue de Khoan Bo au Km 86.Les équipages sont au poste de combat , les troupes prêtes à débarquer .Un Catalina et 2 chasseurs survolent le convoi .Au moment ou Landrot fait ouvrir le feu préventivement ,2 explosions atteignent le local barre et la passerelle du 1329 :le QM Chanthoiseau crie et tombe ,les jambes pulvérisées .Nouvelle explosion : l’EV Bienfait ,commandant ,appelle Landrot ,s’accroche à lui et s’écroule ; il expiera dans la nuit .Le maître pilote Nguyen Du tourne sur lui même et tombe. Landrot appelle l’homme de barre au porte voix :pas de réponse ;il bondit ,passe sur le LV Mounier et le Capitaine Corda ,officier de liaison de l’Armée ,couchés dans leur sang .Le matelot radio Le Begouse gît à coté du martini (TO) :il est mort .A la barre ,le matelot Ygonette ,un bras arraché (il ne survivra pas) ,ne peut plus manœuvrer .Landrot comprend que « toute la passerelle est défalquée » .Ayant vérifié que les commandes répondent ,il manœuvre lui-même le LCT et remonte le courant en suivant ,tant bien que mal ,la rive droite visible par un hublot .Le canon de 40 tire sans arrêt .Le feu rebelle demeure violent .Landrot ordonne de débarquer et de se réfugier sur la rive .

A bord du LCT 1139 ,des évènements analogues ont lieu :explosions à la barre ou tout le monde est atteint ,à la passerelle ou l’EV Clech ,commandant ,est blessé .Le LV Saint John de Crève-cœur ,commandant la compagnie Jaubert ,ordonne à l’homme de barre de faire un garrot à un camarade ,prend sa place et s’écroule ,tué .Clech manœuvre le 1139 à l’imitation du 1329 :après un crochet vers le banc de la rive gauche correspondant à la mort de Crève-cœur ,il redresse son bâtiment et rallie la rive droite ;cramponné au compas ,une piqûre le ranime ;il accoste et débarque ses troupes .

A couple du 1139 ,le LCM D reçoit 2 obus qui tuent l’EV Rouchaud et 4 hommes de la compagnie Jaubert et en blessent beaucoup d’autres .Parmi eux le SM Griffe ,grièvement atteint au visage(il perdra un œil) ,profitant d’un moment d’inattention ,parviendra à se rééquiper et à se sauver de l’infirmerie du LCT pour rejoindre sa section au combat .

Il ne fait aucun doute que la survie des bâtiments est due au jugement ,au courage et au calme de Landrot ;non seulement il a pris les décisions qu’il fallait mais il a ,bien que blessé ,manœuvré lui-même .

Le 24 ,le LCI rallie Hanoï avec une antenne chirurgicale, et Landrot ramène sa Dinassaut ,ses morts et ses blessés .

Du 28 Octobre au 10 Novembre ,une flottille ,commandée par le LV Jaume protégée par un bataillon de Légion débarqué à Vietri et progressant sur les rives ,effectuera une rotation Hanoï-Tuyen Quang-Hanoï montant sur un LCT ,le dernier échelon du groupement C ,et descendant blessés et matériels lourds .

Dés la prise de la ville, les petits chalands sont retirés des dinassaults pour l ‘histoire , ils seront « la flottille de Tuyen Quang ».

Les conditions de vie sont précaires et voisines de celles de la troupe : ni couchettes , ni cuisine , ni installations sanitaires . plus encore que la menace d’un ennemi omniprésent et bien armé , la hantise est celle de la hauteur d’eau .Il faut sonder à la perche ; cible idéale , cet homme à découvert , debout à l’avant égrenant sa litanie : 2 mètres 10 ; 2 mètres ; 1 seul 80 ……

Le 15 octobre , sous le commandement du LV Garnier , huit bateaux partent vers Chiem Hoa avec le

Bataillon Kergaravat du 6eme RIC , leurs munitions et approvisionnements .Au km 14 commence la remontée du Song Cam , tantôt rivière , tantôt torrent encombré de rochers ou de bancs de sable ou de galets . La marche  de la flottille est retardée par d’incessant échouages ; on ne franchit les rapides qu’en faisant forcer les moteurs .la nuit , les troupes bivouaquent en protection rapprochée des engins .

Malgré des tentatives répétées les LCM ne peuvent dépasser le km 35 .au lever du jour , le 17 , le bataillon part ne laissant qu’une faible escorte . munitions et vivres sont entassées sur la berge .  l’obstination de Garnier , les risques qu’il prend , permettent le 18 ,19 et 20 octobre d’amener  par les LCA des chargements précieux à Chiem Hoa et d’en ramener des blessés . Ce tour de force sera renouvelé deux fois à partir de Tuyen Quang par l’ EV Meynier puis par le LV Cluzel , mais ce dernier , monté jusqu'à Na Don à la limite de la haute région pour chercher des blessés , perdra ses deux engins , le 2 novembre , éventrés sur des rochers et coulés ; les hommes seront sauvés et les armes récupérées .

Cependant l’état major du groupement C a décidé le repli du « dépôt »  du km 35 .Le retour ,ponctué d’ échouages graves , permet aussi d’évacuer nombre de blessés. Mais un LCM chargé de munitions et le LCA de l’arrière garde , échoués à leur tour , resteront quelques jours au milieu du torrent ; par chance il n’y avait pas de Viet Minh à cet endroit…….

Les petits chalands laissés le 15 à Tuyen Quang opèrent sur la Rivière Claire : ils ouvrent la route de Bac Nhung en y transportant infanterie , munitions et vivres et passent d’une rive à l’autre les troupes et les compagnies muletiers  venues par la piste , parfois durement accrochées , et qui vont continuer au-delà de Chim Hoa.

Le LV Garnier descend la Rivière Claire sur le LCVP 69 , escortant 4 LCM dont un en avarie . il s’agit de rallier en aval de Phu Doan 2 LCT venant d’Hanoi , de les décharger parce que la baisse des eaux ne leur permettra pas de dépasser le km 120 et de leur confier des blessés graves .

A 12h30 , au km 127 , un tir violent est déclenché sur le convoi ( estimation : deux canons de 75 , deux mortiers de 81 , cinq ou six mitrailleuses  et de nombreux fusils ) . Garnier décide de tenter le passage puisqu’il espère l’appui des LCT qu’il croit mouillés en aval mais qui ont été arrêtés par l’embuscade de Khoan bo . A 12h45 , le LCM 4 qui porte 40 hommes du 43 eme RI atteint au canon  , prend feu ; avant de se jeter à l’eau , les survivants entonnent la Marseillaise .Le canon de 20 du LCVP tire sur une pièce repérée sur la rive droite à 3 km en amont  du confluent du Song Choi . Au moment ou Garnier ordonne au groupe de se préparer à débarquer, le LCVP encaisse un coup de 75 qui le blesse gravement ainsi que le Qm Curtil ( patron ) , le Mot Le Gac                     ( tireur) et plus légèrement un autre marin . L obus ayant coupé la drosse , l’engin est désemparé mais le moteur tourne . Curtil réussit à mettre en place la barre franche et Garnier lui donne l’ordre d’aller vers l’épave du LCM 4 pour repêcher les survivants .Les LCM A et B avec le capitaine Arbus et 80 hommes du 43 eme RI ainsi que le LCM 3 avec L’ingénieur mécanicien Roure et 15 blessés couchés convoyés par l’officier du service Féminin de la Flotte Morier   ( chef du service social de la marine au Tonkin ) , continuent à descendre le courant . L’ennemi concentre son tir sur le LCVP ; Curtil tombe dans la cale du moteur , le bras droit arraché ; seul indemne , le Mot gabier Lochouarn prend la barre et sera miraculeusement épargné .Vers 13h10 le LCVP stoppe sur les lieux du naufrage du LCM 4 et repêche 2 soldats .

Une gerbe de 75 l’inonde pendant qu ‘un coup de 37 troue la coque et tu 4 hommes . Les armes surchauffées sont en avarie .sur ce petit engin , il n’y a maintenant 5 morts et 6 blessés dont 4 graves .

Sans liaisons radio , sans appui de chasse , hors de vue des LCM , Garnier se résigne à remonter la rivière pour rendre compte ; il parviendra à 17h20 à Tuyen Quang avec la Flottille Jaume .

Les opérations des petits chalands encore disponibles dans la région de Tuyen Quang se succèdent sans relâche.

Voici , souvenirs personnels , un résumé du troisième gros engagement ou nous allions perdre deux bateaux sur trois et que le Viet-minh choisit pour illustrer son billet de 500 Dongs.

Le 8 novembre , les LCM F et 1 et le LCA 92 , avec trois enseignes de vaisseau , partent vers Bac Nhung faire traverser la rivière au gros du Groupement C venant d’opérer en Haute région puis ramener le bataillon Petit en deux voyages.

Le 10 , au départ de Bac Nhung , 120 hommes ont pris place sur chaque LCM ou sont aussi chargés munitions et vivres ; le 92 , bientôt en avarie , arrivent avec moi le capitaine Calvet du 43 eme RI , commandant les troupes et l’EV Beauchard .

A 850 mètres du confluent du Song Cam, le chenal oblige à traverser la rivière pour longer la rive droite . il est 16h15 , un canon de 75 , bien dissimulé par des taillis à 300 ou 400 mètres , ouvre le feu ;autour des bateaux , des gerbes se lèvent . Le LCM F a riposté avec ses deux 12.7 mm .Ce n’est qu’après le premier coup de canon que de nombreux fusils , un mortier et trois ou quatre armes automatiques ,que j’estime réparties entre 150 et 700 mètres en amont du canon , prennent le convoi sous un feu violent ; l’embuscade a été montée de main de maîtres le LCM f talonne le fond de vase lorsqu’un obus de 75 éclate sur les superstructures ; le matelot mécanicien Lapasin , le visage déchiqueté , tombe dans une mare de sang ; le lieutenant passager Villiers , le Qm Georgelin,les matelots giacopollo et Borelli et moi-même sommes atteints par des éclats . Sur le 92 le lieutenant Thomas est tué .

Comme il semble impossible  de forcer le passage ou de débarquer sur l’ennemi, je décide , en accord avec le capitaine Calvet de prendre pied sur la rive gauche et transmet l’ordre au LCM 1 , lui aussi encadré de gerbes . Méprisant le danger, Beauchard , pour trouver un chenal , est debout sur le toit , il réussira à débarquer ses troupes à 16h20 .Sur le LCM F , manœuvré par son patron ,le Qm Redor , avec un calme exemplaire et une science du fleuve éprouvée , et ou Ruquet tire à la 12.7 mm , le cauchemar s’installe . En sept minutes , il reçoit cinq obus de 75 dont deux dans la cuve  faisant 25 morts et 60 blessés , un dans la porte , un sur le moteur tribord et la passerelle , le dernier met le feu à la soute arrière . Sur le 92 , à l’ imitation du Qm Chevillard , patron , l’équipage et des soldats du 43 eme RI servent leurs armes sans relâche .Gagnant lentement vers l’amont avec le seul moteur bâbord le LCM F parvient à la berge à 16h30 mais la porte ne tombe pas .Le débarquement des valides se fait derrière Calvet qui va se révéler un chef énergique et résolu .On organise des corvées pour prendre les blessés .Un début d’incendie est éteint sur le 92 , mais on ne peut venir à bout de celui ci du LCM F .

Masqué par un éperon , le 75 s’est tu , la berge et les engins restent soumis à des tirs de mortier et à une fusillade abondante , précise , meurtrière , des hommes tombent . Lorsque tous les blessés ont été sortis , je donne aux équipages l’ordre d’évacuer en emportant une arme individuelle . Le matelot Borelli est à nouveau touché ; il mourra dans la nuit . Je fais déplacer le LCM 1 pour mettre à l’ abri de l’explosion des munitions du LCM F .

Beauchard , blessé , exécute la manœuvre .Toute la nuit il surveillera son bateau amarré à la berge , moteurs stoppés par un volontaire , déchargé de sa réserve d’essence et de munitions .

Prés du confluent , les blessés graves sont couchés dans une paillote a l’abri des tirs .Tapis dans les herbes , grelottant de froid , les marins tiennent un secteur : nous y avons un fusil- mitrailleur .Par deux fois Ruquet a rampé jusqu’au 92 pour ramener le mortier et des obus , quand il est fauché par une balle , c’est le matelot Chatron-Collier qui ira le chercher .Les incendies des bateaux illuminent longtemps la nuit ; mais les viets se contentent d’exhortations à nous rendre ; le 92 sombrera prés de la berge et l’épave du LCM F ira s’échouer au milieu de la rivière .

Pansements et munitions nous sont parachutés le 11 au matin . Les derniers bateaux et des colonnes progressant sur les deux rives de la Rivières Claires arrivent à la nuit . Le 12 , on enterre les morts et l’on prend avec les mêmes précautions la route de Tuyen-Quang .

D’abord réunis à l’antenne chirurgicale , les blessés sont évacués par un pont aérien d’avions légers à partir d’une piste en terre au bord de la Rivière Claire . Mon tour venu , je suis chargé sur un Morane qui s’écrase au décollage : pas de nouvelle blessure mais il est désagréable d’être couché et sanglé sous un goutte a goutte d’essence . Arrivé en fin de journée a l’hôpital de Lanessan à Hanoi , le brancard se brise et me voilà tombé sur l’épaule valide ; l’infirmière me dit « vous n’avez pas de chance ; notre matériel est vieux mais cela n’arrive qu’une fois l’an »

Convalescence achevée , on me confiait en janvier 1948 à Haiphong un nouveau Détachement Amphibie d'’anoi   il fallait l'’ mener par le fleuve Rouge mais d’abord participer à une opération montée par le secteur de Nam Dinh sur le Day dans la région de Ninh Binh ou le viet-minh se renforçait. Tombés dans une embuscade et attaqués au canon de 37 le 3 février à Dong Bieu , nous débarquions face au canon . Les troupes nettoyaient la zone et capturaient l’affût et deux armes lourdes, la chance avait tourné.

Il s’agit d’évacuer le matériel de la base de Tuyen Quang sans prendre de risques. On remplace par des jonques , voire des radeaux , les engins disparus , les troupes marchent sur les deux rives de la Rivière Claire , escaladant rochers et pitons , déjouant les embuscades, détruisant quelques dépôts . Sa partie navale sous les ordres du LV Jaume , l’opération est menée à bien du 22 novembre au 8 décembre .Un accident vient encore endeuiller la Flottille : le LCM 3 , rescapé de Phu Doan , sur la brèche depuis six mois , prend feu au lancement d’un moteur et son mécanicien meurt de ses brûlures .

Le bilan : si on considère les résultats obtenus par ses trois groupements , l’opération Léa a été un succès puisque , sans pertes excessives de notre coté ,elle a désorganisé le dispositif et le commandement adverses .Mais menée avec 12000 hommes au lieu de 20000 prévus ( les renforts destinés à l’Indochine avaient été acheminés sur Madagascar  ) ,  « elle ne put avoir le succès décisif et durable qui aurait précipité la solution du conflit » ( Cité dans l’ouvrage du service historique de la marine sur la guerre d’Indochine ).

Pour la marine l’opération a été très onéreuse en personnel et en matériel : sur 21 bâtiments ou engins, 7 ont été perdus dont 3 par le feu adverse ; le quart des effectifs a «été mis hors de combat, 28 morts et plus de 50 blessés.

Notre conclusion sera empruntée au colonel Communal : « l’action de la Flottille a été, pour le groupement C, un élément déterminant dans l’accomplissement de sa mission . »

 

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